Néo-fascisme

par | 19 Août 2018 | Gouvernement

Le pont s’est effondré mardi 14 août un peu avant midi.

Les secours étaient arrivés sur place depuis quelques heures seulement lorsque Monsieur Salvini  a publié ce tweet : «  Se ci sono vincoli europei che ci impediscono di spendere soldi per mettere in sicurezza le scuole dove vanno i nostri figli o le autostrade su cui viaggiano i nostri lavoratori, metteremo davanti a tutto e a tutti la sicurezza degli Italiani. »

« S’il y a des contraintes européennes qui nous empêchent de dépenser de l’argent pour sécuriser les écoles où vont nos enfants ou les autoroutes sur lesquelles voyagent nos travailleurs, nous mettrons la sécurité des Italiens devant le reste » …

Il faudra une expertise technique approfondie pour déterminer avec exactitude les facteurs et les responsabilités qui ont contribué à l’effondrement du pont Morandi. Mais avant de désigner d’autres coupables, il fallait bien sûr commencer par l’Europe !

Il faut pourtant rappeler qu’entre 2009 et 2016, la dépense publique de l’Italie est passée de 51,2% à 49,3% du PIB et le taux de prélèvements obligatoires de 42% à 42,9% sur la même période. Pas vraiment une curée bruxelloise !

D’ailleurs, si les règles européennes invitent les États membres à certaines règles de déficit budgétaire, ils ne se prononcent pas sur la façon d’y parvenir.

Enfin, l’argument de Monsieur Salvini sous-entend que la qualité des infrastructures et des équipements collectifs d’un pays serait directement corrélée au niveau des dépenses publiques. C’est faux bien sûr : plus d’une vingtaine de pays de l’OCDE ont un niveau de dépense publique inférieur à l’Italie. Or on ne voit pas les ponts s’y écrouler. En Suisse, que les enquêtes de la Banque mondiale et du Forum économique mondial placent régulièrement dans le peloton de tête des pays aux infrastructures les mieux entretenues, le niveau de la dépense publique était de 34,3 % en 2016.

La Commission Européenne avait rapidement réagi  aux propos du chef de la Ligue du Nord, en rappelant que de 2014 à 2020, l’Italie a reçu et recevra 2.5 milliards d’euros pour ses infrastructures. En avril, un plan de modernisation des autoroutes de 8.5 milliards d’euros, incluant la région de Gênes, avait également été accordé par Bruxelles …

Il faudra pourtant s’habituer jusqu’aux élections européennes aux irruptions outrancières de ce Monsieur, et de quelques autres avec lui.

La Lega Nord (Ligue du Nord en Français) est née d’une « droitisation » de la Démocratie-Chrétienne du nord du pays pour laquelle le fascisme historique et le néo-fascisme (vu comme un parti de Rome et du sud) étaient à l’origine des alliés fort peu fréquentables, C’est d’ailleurs pourquoi il serait stupide d’assimiler Monsieur Salvini au fascisme tel qu’il a marqué l’Italie d’après 1919 et plus généralement l’Europe d’entre les deux guerres,

Dans les années 1990, la Lega Nord, même si elle était déjà xénophobe et hostile à l’immigration extra-communautaire, avait d’ailleurs pris bien soin de se distinguer à la fois des néo-fascistes italiens et du Front National français.

On ne peut nier pourtant la longue dérive de la Ligue du Nord vers le néo-fascisme européen, concrétisée par le choix après les élections européennes de 2014 de s’allier au niveau du Parlement européen avec les partis d’extrême-droite que sont le Front National (devenu Rassemblement National) français, le Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ) autrichien, et le Partij voor de Vrijheid (PVV) néerlandais. Une  extrême-droite européenne dont les racines politiques renvoient sans l’ombre d’un doute (en tous les cas pour le FN et le FPÖ) aux perdants de la Seconde guerre mondiale.

Qualifier ces mouvements de « populistes » est donc une faute politique et historique : nommons les choses pour ce qu’elles sont.


Iconographie : Matteo Salvini, secrétaire fédéral de la Ligue du Nord, ministre de l’intérieur et vice-président du Conseil italien, en meeting à Turin en février 2018 © Marco Bertorello / AFP