Ceux de 14

par | 5 Nov 2018 | Gouvernement

Le Président Français effectue cette semaine, dans le cadre des cérémonies du centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918, un cycle de déplacements dans l’est et le nord du pays. Le beau terme consacré par les médias est celui d’une « itinérance mémorielle« .

C’est de cette terre austère, ce pays de Lorraine et d’Alsace, que sont originaires les miens. Certes, l’histoire en a détaché Belfort, où ma famille a pu continuer d’aimer la France librement après la guerre de 1870. Mais des Vosges à la Moselle, même si j’y retourne trop rarement, je suis là-bas chez moi. Tellement que, dès que passée la Champagne, je retrouve mon accent.

Cette région, quelques grands esprits l’ont rebaptisée « Grand-Est », nom préféré à « Nouvelle Austrasie », ou encore « Acalie » …

Las ! La Champagne, les Ardennes, la Lorraine, l’Alsace méritaient mieux que ces noms apatrides ! Je ne sais d’où vient ce goût de blesser les identités en effaçant l’histoire. Pourquoi cette injustice à l’égard de régions qui ont payé un tel tribut à leur amour de la France ? …

Au delà de la blessure, au delà de l’injustice, c’est surtout confondant de bêtise que de chercher à effacer ainsi l’histoire ! L’écrivain péruvien, Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature 2010 a écrit quelque part : « Le nationalisme est la culture de l’inculte, la religion de l’esprit de clocher, et un rideau de fumée derrière lequel nichent le préjugé, la violence et souvent le racisme. »

Alors, il faut se féliciter de ce parcours mémoriel.

Ce 6 novembre, le Chef de l’Etat se rendra aux Eparges, dans la Meuse, non loin de Verdun. Il doit y rendre hommage à Maurice Genevois, romancier et poète Français, grièvement blessé le 25 avril 1915 à Rupt-en-Woëvre , près de la colline des Eparges.

De son expérience du front (août 1914-avril 1915), Maurice Genevois avait publié cinq ouvrages, nés de ses carnets de guerre, notes griffonnées, ordres de bataille, instructions diverses, liste des secteurs, dates …

En est né un témoignage authentique et précis de ce qu’il avait vécu et observé : Sous Verdun (avril 1916), Nuits de Guerre (décembre 1916), Au Seuil des guitounes (septembre 1918), La Boue (février 1921), et Les Eparges (septembre 1921). Ces cinq récits furent rassemblés sous un même titre, Ceux de 14, en 1949.

Grièvement atteint de la grippe espagnole, comme Guillaume Apoliinaire que j’évoquais avant hier, il y a pour notre grand bonheur survécu, ne mourant qu’en 1980. «Un geste fort», une « panthéonisation autour de la figure de l’auteur » sera annoncée à Eparges. Cette idée avait été portée très haut – sans aboutir – sous l’impulsion de la fille de Maurice Genevoix et de son gendre, l’économiste Bernard Maris, tué lors de l’attentat à Charlie Hebdo.

Il y a sûrement plusieurs façons d’aimer la France. Moi, je suis de ces régions où l’on a connu l’absurdité des combats, quand on tombait des deux cotés.

Alors, oui, ma France, à cause de l’histoire, la grande et ma petite, je l’aime arrimée à l’Europe.

Et si de cette Europe, le Rhin et ses affluents, la Moselle, la Meuse sont le coeur, nous y gagnerons tous en ardeur, je vous le promets.


Iconographie : « le Départ des poilus, août 1914 », œuvre du peintre américain Albert Herter offerte à la France en 1926, Gare de l’Est, Paris (collection personnelle).