Dans le monde tel qu’il va

par | 28 Août 2018 | Gouvernement

« La France est prête à entrer dans une discussion concrète entre Etats européens sur la nature des liens réciproques de solidarité et de défense mutuelle qu’impliquent nos engagements aux termes du Traité. L’Europe ne peut plus remettre sa sécurité aux seuls Etats-Unis.« 

En donnant hier le coup d’envoi à Paris de la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices, le Président Macron a confirmé la vision qu’il avait exprimée lors de son « discours de la Sorbonne » le 26 septembre 2017, d’une « Europe souveraine ». Ce qu’il avait appelé alors « une Europe forte dans le monde tel qu’il va« .

Cette fois, il évoque même, plus directement qu’il ne l’avait fait initialement, une possible révision des traités.

Rappelons-nous : après les attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris, à l’occasion d’une réunion du Conseil des affaires étrangères à Bruxelles, la France avait appelé les États membres de l’Union européenne à lui fournir aide et assistance pour lutter contre l’État islamique.

Le pays avait ainsi demandé – c’était le 17 novembre – l’activation de l’article 42.7 du traité de l’UE, selon lequel « si un État membre est l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres ont envers lui une obligation d’aide et d’assistance par tous les moyens » . L’ensemble des États membres de l’UE avaient alors promis, à l’unanimité, leur aide et soutien totaux envers la France, tout en ayant à définir la forme de leurs engagements.

Tout aussi bien aurait pu alors être évoquée la « clause de solidarité » du traité sur le fonctionnement de l’UE qui énonce, de façon finalement assez proche du précédent, que « L’Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine. L’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres. »

La défense européenne est au coeur de l’idée défendue par la France d’une Europe qui protège.

En l’espace d’un an et demi, trois projets majeurs ont vu le jour, qui changent assez radicalement les perspectives en la matière :

  • le lancement en décembre 2017 de la Coopération structurée permanente, plus connue sous son acronyme anglais PESCO pour « Permanent Structured Cooperation » ;
  • la mise en oeuvre d’un processus de revue sur base annuelle des capacités nationales de défense ;
  • l’adoption du Fonds Européen de Défense (FED), doté d’un volet « recherche » et d’un volet « capacitaire » .

Ce dernier aspect (volet capacitaire) a débouché en mai dernier sur l’adoption du règlement relatif au programme européen de développement industriel de défense. Dans sa proposition pour le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027), la Commission Européenne dote le Fonds Européen de Défense de 13 milliards d’euros : 4,1 milliards d’euros seront dédiés à des projets de recherche, et 8,9 milliards d’euros au développement de prototypes et à la certification des nouveaux matériels, avec une priorité accordée aux drones, logiciels cryptés et autres équipements de surveillance maritime.

Si pour le premier volet, le financement par l’Union peut couvrir jusqu’à la totalité des coûts, il ne peut excéder 20% des financements relevant du second. Le calcul est dès lors simple : le volet capacitaire de 8,9 milliards peut se voir multiplier par 5 une fois qu’on y ajoute le financement des Etats, soit un montant total sur la période de 35.6 milliards d’euros de « capacitaire ».

Il est facile de comprendre l’intérêt des Etats membres à participer au mécanisme : s’ils ne le font pas, ils laissent les fonds européens contribuer à des projets d’autres Etats membres. Dès lors, on peut s’attendre à ce que ce programme ait un effet structurant très important sur l’industrie européenne de défense.

On est bien loin des discours simplistes portés par ceux qu’on appelle les « populistes », d’une Europe grande ouverte aux vents mauvais. Et on comprend au passage qui a intérêt à les aider à prospérer et pourquoi, « dans ce monde tel qu’il va ».


Iconographie : le « Euro Main Battle Tank » (EMBT) du groupe franco-allemand KNDS, dont la production doit commencer en 2025, © KNDS