La Bataille des Géants ?

par | 4 Mai 2017 | Gouvernement

La campagne pour choisir le prochain président français arrive à son terme.

Elle a été à l’image de cette nouvelle façon brutale et vulgaire de faire de la politique, telle  qu’on peut l’observer dans beaucoup – voire la plupart – de nos économies développées. Mais au bout du compte, elle se conclue pour l’électeur par un choix très clair entre deux personnalités non traditionnelles de la politique française, avec des points de vue opposés sur la place du pays en Europe.

Alors, il devient impossible de rester spectateur, comme ces visiteurs du musée archéologique de Delphes en Grèce, admirant «la bataille des géants».

À bien des égards, ce second tour de l’élection présidentielle française ressemble au match retour du référendum français de 2005. C’était il y a douze ans et les Français étaient interrogés par référendum sur l’opportunité de ratifier la « Constitution européenne ».

La question était : « Approuvez-vous le projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe? » Elle a à l’époque suscité en France un débat passionné, divisant les partis politiques traditionnels des deux côtés du spectre politique, et se concluant par un rejet du projet à hauteur de 55%. Trois jours plus tard, les Néerlandais rejetaient également le texte par référendum. Même si neuf des États membres de l’UE avaient déjà ratifié le traité, les dirigeants européens durent finalement se faire à l’idée que ces deux référendums négatifs tuaient le projet.

Ce double résultat fut qualifié de tremblement de terre politique, notamment du fait que la France et les Pays-Bas étaient deux membres fondateurs de l’Union Européenne. Quelles que soient ses causes, ce résultat fit trembler l’Europe dans une mesure analogue au vote du Brexit de l’année dernière, et les États membres durent élaborer un plan B.

En France, on approchait alors des élections présidentielles, et le candidat à la présidence, Nicolas Sarkozy, avait promis une renégociation sans référendum. Il est devenu président en 2007.

Dans les mois qui suivirent, les Etats membres de l’Union Européenne négocièrent ce qui allait devenir le traité de Lisbonne en 2009, un document qui, sans s’appeler une constitution, fut considéré à tort ou à raison comme proche de celui qui avait été rejeté par les Français et les Néerlandais. Le président Sarkozy présenta le traité au parlement français, qui l’adopta. De nombreux électeurs français, à gauche et à l’extrême droite du spectre politique, ont estimé que leurs souhaits, qu’ils avaient clairement exprimés en 2005, avaient été ignorés…

Cité dans un récent article du «CEPS» (Centre for European Policy Studies), le poète dissident allemand Wolf Biermann a écrit: « Je ne peux qu’aimer ce que je suis également libre de laisser ». Avec le Brexit, l’idée que le prix de sortie de l’UE par un pays est si élevé qu’il n’y a pas d’autre solution s’est avérée fausse.

Dimanche, la question qui se posera aux électeurs français est très claire et très similaire à celle posée aux Britanniques il y a un an: voulez-vous poursuivre le projet européen ou non?

Je reviens à la photo qui illustre ce post, en vous priant de m’excuser de sa définition médiocre (j’ai pris la photo la semaine dernière à Delphes avec un smartphone apparemment « fatigué »).

Il représente la frise nord du Trésor de Siphnos, visible au musée archéologique de Delphes en Grèce. « La Bataille des Géants », à savoir la bataille des fils de la Terre, les géants, contre les dieux de l’Olympe pour le pouvoir : un mythe largement répandu sur le conflit entre l’ancien et le nouvel ordre du monde, dépeint très souvent dans l’art grec antique .

Il symbolise le triomphe de l’ordre et de la civilisation sur la sauvagerie, la barbarie et l’anarchie.

N’est-on pas là finalement au coeur du projet européen?


Iconographie: Des visiteurs du Musée archéologique de Delphes en Grèce admirant un détail de la frise nord du Trésor de Siphnos (à savoir « La bataille des Géants »), le 26 Avril 2017, collection personnelle.